Mélange huile-résine

 

Technique des couches superposées oléo-résineuses

Palette, pinceaux, tubes et blouse Pour Egon de Vietinghoff, la véritable œuvre d’art ne saurait être le seul produit ni du savoir-faire, ni de connaissances professionnelles, et pas davantage d’une somme d’efforts.

Le savoir-faire est bien évidemment nécessaire pour traduire une vision intérieure, condition décisive de la création d’un chef-œuvre. Car sans un élément spirituel, l’acte pictural n’est qu’une pâle copie de la réalité.
 

Orange dans son papier de soie Jadis, les connaissances artisanales et théoriques étaient transmises oralement par le maître à l’élève. Les bouleversements de l’impressionnisme ont tari ce savoir relatif à la technique des couches superposées, qui s’étend sur plusieurs siècles – jusqu’à ce que Vietinghoff le redécouvre en autodidacte, qu’il l’applique lui-même avec virtuosité et qu’il le fixe par écrit. C’est sur ces connaissances que se fondent l’effet de plasticité et la chaude luminosité si caractéristiques de ses tableaux.

Ce n’est pas sans motifs que la technique des couches superposées a une longue tradition en Europe, car elle permet d’obtenir des effets extrêmement différenciés. Grâce aux multiples variantes d’un procédé fondamental, cette technique rend possible la réalisation d’œuvres très personnelles, et peut être adaptée à la façon de travailler de chaque artiste. Le procédé consiste à appliquer séparément deux couleurs l’une sur l’autre, ce qui est également valable pour plusieurs couleurs. Afin qu’elles ne se mélangent pas, la couche de la première couleur doit être sèche, ou alors chaque couche doit contenir un liant différent – contrairement à la technique de l’application superposée de couleurs encore fraîches (alla prima, soit au premier jet).
 

Les premiers pas Escisse en détrempe














Le procédé consiste à appliquer séparément deux couleurs l’une sur l’autre, ce qui est également valable pour plusieurs couleurs. Afin qu’elles ne se mélangent pas, la couche de la première couleur doit être sèche, ou alors chaque couche doit contenir un liant différent – contrairement à la technique de l’application superposée de couleurs encore fraîches (alla prima, soit au premier jet).
 

Intensification de l'esquisse Intensification des couleurs















La peinture en couches superposées agit sur la couleur définitive en répartissant le processus sur différentes phases évolutives. Quant aux glacis, soit les couleurs appliquées en couches fluides et très fines, ils peuvent consister en plusieurs superpositions, de sorte que leurs effets conjoints produisent des teintes nouvelles. Les couleurs peuvent être étendues les unes sur les autres en couches épaisses, semi-couvrantes ou translucides.
 

Assemblée Jeanne (la fille du paintre) au collier (inachevé)












Pour la peinture en couches superposées, claires ou foncées, elles peuvent transparaître et être alternées à maintes reprises, de sorte que plusieurs couches reposent sur la toile. On peut p.ex. commencer par un fond plutôt foncé et utiliser des couleurs claires pour peindre les formes, puis les nuancer de traits sombres. Ou, au contraire, on peint des formes de couleurs sombres sur un fond clair, pour obtenir finalement, par des taches de lumière, une représentation du sujet plus différenciée.
 

Anthonis van Dyck, Les princesses Elizabeth et Anne (1637), Galerie nationale d'Écosse à Édimbourg Anthonis van Dyck, Etude d'un homme âgé (vers 1618), Musée d'histoire de l'art de Vienne












Selon sa conception visuelle, le peintre utilisera l’un ou l’autre de ces procédés. Tous les maîtres anciens, pour ainsi dire, les ont adaptés à leur vision artistique et à leur façon de travailler, rapide et assurée, ou circonspecte et lente lors de l’élaboration d’un tableau. La technique de l’application des couleurs est souvent considérée comme «l’écriture du peintre».
 

Pain et verre Egon de Vietinghoff s’en tient au principe éprouvé de ses modèles, à savoir que plus les couleurs sont claires, plus les couches doivent être épaisses, en pleine pâte. Cela intensifie leur luminosité, qui se reflète à la surface. L’effet est amplifié par le contraste avec le fond sombre laissant transparaître le support.

La peinture en couches superposées permet une meilleure harmonisation des différentes parties du tableau. En effet, grâce à ces phases successives, le peintre peut tenir compte de l’interférence des couleurs pendant le processus créateur.

Chaque nouvelle couleur transforme ce qui l’entoure par interaction et en subit également les effets. Cette «illusion d’optique» bien connue survient lorsqu’un disque rouge sur fond noir crée un autre effet que s’il repose sur une surface verte ou blanche.
 

Deux poires Même la texture de la toile et la réflexion du rayon lumineux sur l’apprêt interviennent ainsi sur l’impression finale. Les différents stades de la réflexion lumineuse exercent une action en profondeur et des différenciations de couleurs qui ne peuvent être obtenues par une seule couche de peinture.

La lumière traverse p.ex. à un endroit trois couches transparentes de couleurs apparentées, et cela jusqu’à l’apprêt clair : c’est cette lumière qui se reflète et crée une impression de légèreté, de trans-lucidité et de profondeur. D’autre part, deux couleurs, à condition qu’elles soient complémentaires, peuvent être appliquées l’une sur l’autre. Après avoir traversé la première couche, la lumière est renvoyée par la seconde, donc sans avoir atteint l’apprêt. Troisième exemple : là où une couleur étanche a été appliquée, le reflet lumineux peut se manifester aussitôt à la surface, de sorte qu’une autre qualité de couleur et de lumière apparaît.
 

Poire de droite Lors du mélange des couleurs, il ne suffit pas de connaître leurs spécificités, car le rendement des pigments est extrêmement variable. Ainsi, il suffit d’une trace de bleu de Prusse ou de blanc de titane pour modifier une couleur, alors qu’une quantité importante de blanc de céruse ou de cobalt est nécessaire pour obtenir le même résultat.

Vietinghoff prend durant des décennies des notes relatives à ses études autodidactes et à son expérience professionnelle. A un âge très avancé, il en publie la somme dans un manuel de la technique picturale. Pour la première fois, et à côté de bien d’autres thèmes, la translucidité de la couleur est définie comme l’une de ses propriétés; de même, le peintre traite de la technique oubliée du mélange huile-résine, et le tout est accompagné d’exemples.
 

Sanguine (détail, centre) La lumière qui éclaire la toile ne sera peut-être reflétée qu’à 10% sur la couche supérieure de la couleur, alors que 70% pénètrent jusqu’à la chair rouge à travers la peau peinte, et que 20% peut-être de la lumière traversent l’orange jusqu’à l’apprêt.

Ces trois niveaux de réflexion suggèrent une «vraie» profondeur qui correspond à celle du fruit; il en résulte une plasticité éclairée de l’intérieur; la spatialité est sensible et crédible, car elle est exprimée de façon naturelle. La réflexion de la lumière échelonnée en particules millimétriques, tel est le «secret» de cette technique.
 

Raisin avec un verre à vin du Rhin Les trois procédés que nous avons présentés ci-dessus peuvent se produire à plusieurs reprises pour le même objet et de façon concomitante; ils le structurent et le forment différemment, suscitant des phénomènes qu’il convient de comprendre comme une analogie avec la réalité:

par exemple lorsqu’une couleur transparente est appliquée en couche fine (glacis) et traits légers sur la chair lumineuse d’une orange pelée. De même que pour le modèle, cette pulpe rouge luit sur la toile à travers la fine pelure, translucide dans les deux cas.
 

Raisins (détail 2) Vietinghoff prend durant des décennies des notes relatives à ses études autodidactes et à son expérience professionnelle. A un âge très avancé, il en publie la somme dans un manuel de la technique picturale.

Pour la première fois, et à côté de bien d’autres thèmes, la translucidité de la couleur est définie comme l’une de ses propriétés; de même, le peintre traite de la technique oubliée du mélange huile-résine, et le tout est accompagné d’exemples.
 

Deux pêches Il s’agit ici de donner une forme au sujet par le seul truchement de la couleur, soit par l’interaction du matériau et de son application. Aucun autre moyen, technique ou expressif, tel que le relief, le collage, le point de fuite n’intervient dans ce processus – Vietinghoff fait de la peinture pure, et c’est ainsi qu’il la formule, sans emprunter le moindre élément à d’autres formes d’art.

Pour lui, des mots ou des poèmes intégrés au tableau, des effets de surprise acoustiques ou mobiles, des installations vidéos constituent des expériences qui ont mené à une conception équivoque de l’art, qui abandonne, voire méprise le genre spécifique des arts plastiques. Il s’est montré en théorie aussi bien qu’en pratique conséquent dans son aspiration à un art pictural pur et débarrassé de tout message anecdotique ou idéologique.